Faire une thèse en cotutelle

Dans ce billet, je souhaitais revenir sur l’un des aspects fondamentaux de ma thèse : la cotutelle internationale, et d’en faire un retour d’expérience, en espérant que celui-ci puisse être utile notamment à celles et ceux qui considèrent se lancer dans l’aventure.

Débutée à la rentrée 2021, ma thèse repose sur une cotutelle franco-néo-zélandaise, entre l’Université de la Polynésie Française et la Victoria University of Wellington.

La cotutelle, qu’est-ce que c’est ?

La cotutelle de thèse est un dispositif par lequel un.e doctorant.e est simultanément inscrit.e dans deux universités qui se trouvent dans deux pays différents. Elle se démarque ainsi de la “simple” codirection par son aspect international.

L’on se retrouve ainsi avec deux directeurs ou directrices de thèse, deux unités de recherche, l’accès à deux ENT, … et, à terme, deux diplômes (un de chaque institution). Une convention de cotutelle est établie en début de thèse, d’un commun accord entre les deux universités, afin de déterminer les aspects plus pratiques du cursus et du déroulement du doctorat : langue du manuscrit, lieu de soutenance, calendrier de paiement des frais de scolarité, calendrier des séjours dans les deux pays, etc.

La cotutelle permet ainsi, d’une part, de favoriser la mobilité des doctorant.e.s et la coopération internationale entre unités de recherche et universités, et d’autre part de permettre aux doctorant.e.s de bénéficier d’une double expertise dans leur encadrement. J’y ajouterais également, pour ma part, qu’un tel dispositif peut également servir la recherche en archives ; pouvoir séjourner en Nouvelle-Zélande m’a en effet beaucoup facilité l’accès aux archives néo-zélandaises et australiennes.

Quelques aspects pratiques

1. Établir la convention de cotutelle

L’établissement de la convention de cotutelle se fait au début de la thèse, dans tous les cas dans le courant de la première année. Il peut être nécessaire de suivre une procédure spécifique et/ou de remplir un formulaire dédié pour l’inscription administrative, selon les universités.

Des cas particuliers existent par ailleurs : dans le cas de cotutelles entre la France et l’Italie et entre la France et le Québec, des conventions-cadre ont été établies (dans le cadre de l’Université Franco-Italienne et de l’accord-cadre franco-québécois signé en 1996)

2. Inscription administrative

L’inscription administrative est nécessaire dans les deux établissements en simultané et est renouvelée chaque année – après l’organisation d’un comité de suivi de thèse à partir de la 2^e année du côté français.

3. Langue de rédaction

Lorsque les deux universités impliqués ont des régimes linguistiques différents, deux options sont possibles : soit la langue de rédaction du manuscrit est définie dans la convention de cotutelle, soit le choix est laissé librement au doctorant. Dans les deux cas, le manuscrit devra être complété par un résumé substantiel dans l’autre langue.

4. Bourses et financements

Mener une thèse en cotutelle internationale peut s’avérer coûteux : frais de scolarité (notamment dans les institutions anglo-saxonnes où ceux-ci peuvent grimper rapidement), déménagements d’un pays à l’autre, frais de visa, … Si l’aspect financier d’une telle entreprise n’est pas à négliger, il est tout à fait possible de postuler à des bourses, internes aux universités, associées à des programmes de recherche ou autres (le portail CampusBourses et celui des Partenariats Hubert Curien peuvent être de bons outils pour commencer à prospecter). Il existe également des financements spécifiques aux cotutelles, notamment dans le cadre de structures de recherche internationales : bourses Frontenac pour le Québec, programme Vinci pour l’Université Franco-Italiennes, aides de l’Université Franco-Allemande, …

À noter également que la conduite d’une thèse en cotutelle est parfaitement compatible avec l’obtention d’un contrat doctoral en France (ce qui a été mon cas par exemple).

4. Frais de scolarité

En règle générale, l’on est éxonéré.e par l’une des deux universités impliquées dans la cotutelle, mais les modalités pratiques de cette exonération peuvent varier et sont fixées par la convention de cotutelle. Cette exonération peut être fixe, comme elle peut s’opérer alternativement entre les deux universités selon les années, en se calant par exemple sur le calendrier des séjours dans l’une et l’autre.

5. Calendrier des séjours

Dans le cadre d’une cotutelle internationale, le ou la doctorant.e est amené.e à séjourner auprès des deux institutions – donc dans les deux pays. Cela amène ainsi, inévitablement, à effectuer un certain nombre de démarches administratives en plus de celles strictement universitaires : souscrire une assurance, demander un visa (le cas échéant), trouver un logement, etc.

La durée des séjours, quant à elle, dépend des universités. Mon université néo-zélandaise requiert d’y passer au moins 12 mois avant la soutenance ; l’université Paris 1 indique pour sa part que les séjours ne peuvent être inférieurs à un semestre¹.

6. Dépôt et publication

Le dépôt du manuscrit après la soutenance s’effectue en accord avec les régulations en vigueur dans les deux institutions. Le manuscrit est ainsi déposé dans les bibliothèques de l’une et l’autre.

7. Soutenance

Une thèse en cotutelle internationale donne généralement lieu à l’organisation d’une soutenance unique reconnue par les deux institutions. Des dispositions peuvent alors être prises pour que toutes deux soient représentées dans le jury.

Cotutelle : pour ou contre ?

En résumé, plusieurs aspects sont à considérer avant de se lancer dans une cotutelle :

• La cotutelle est un dispositif exigent qui permet de donner à une thèse un aspect résolument international. Le ou la doctorant.e, en séjournant dans deux pays, se familiarise avec deux systèmes universitaires, développe une seconde langue (le cas échéant), développe son ouverture d’esprit et son réseau en multipliant les prises de contacts et les opportunités de présenter ses travaux (séminaires, conférences, workshops, …)
• Du point de vue institutionnel, le ou la doctorant.e bénéficie d’un double encadrement, donc d’une double expertise, et, en étant inscrit.e dans deux institutions, bénéficie de l’accès à deux ENT, deux bibliothèques (et aux ressources numériques y étant associées), deux possibles sources de financements (pour aller sur le terrain, en conférence, …), etc. – et, à terme, après une soutenance unique, l’obtention de deux diplômes de doctorat, un par université

Mais aussi :

• La charge administrative est plus importante puisqu’il convient de composer avec deux administrations universitaires et leurs prérequis, et de se réinscrire chaque année universitaire dans chacune des deux institutions.
• La charge de travail est également augmentée dans la mesure où le ou la doctorant.e est amené.e à participer aux événements scientifiques organisés par ses deux unités de recherche (séminaires, …) et, comme je le disais plus haut, à compléter sa thèse par un résumé substantiel dans une autre langue que le français dans le cas où la cotutelle implique deux universités aux régimes linguistiques différents

Une thèse en cotutelle est ainsi une thèse plus chargée qu’une thèse “simple” sous plusieurs rapports, ce qui amène inévitablement son lot de stress ; mais, après trois ans de cotutelle et un séjour en Nouvelle-Zélande qui touche bientôt à sa fin, je ne peux que fortement recommander l’expérience, qui s’est avant tout avérée particulièrement enrichissante et stimulante à tous les points de vue. Les obstacles parfois rencontrés peuvent être surmontés avec un peu d’organisation, et l’issue d’une thèse en cotutelle autant que les avantages qu’elle apporte valent largement la peine d’y faire face.

Campus principal de la Victoria University of Wellington (N.Z.) – 29 mars 2024

Quelques ressources en ligne sur la cotutelle

Sur Hypothèses

Billet “Cotutelle…double peine ?” sur le carnet Plumes de Guerre

Billet “Les Cotutelles avec le Royaume-Uni et la République d’Irlande” sur le carnet du collectif doctoral de Sorbonne Université

Billet “Partir à l’étranger en doctorat – compte-rendu de la réunion du 12.03.14” sur le carnet ENthèSe – Ressources pour la thèse

Liens externes

Arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat

Accessible sur Légifrance (la cotutelle est régie par le titre III – articles 20 à 23 – de cet arrêté)

Campus France

Document récapitulatif sur la cotutelle [Document PDF]

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Page “Co-tutelles de thèse et partenariats internationaux”

Structures de recherche internationales :

Université Franco-Allemande — Université Franco-Italienne

Pages internes aux universités relatives à la cotutelle internationale (quelques exemples en France) :

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne — Université Paris 8 — Université Paris Cité — Université Paris-Saclay — Université Grenoble Alpes — Université de Lille — Aix-Marseille Université — Université de Strasbourg — Université de Bordeaux — Université Rennes 2 — Université Montpellier 3 — Université Toulouse Capitole — Université de Caen Normandie — UPEC — Université d’Orléans — Université de Reims Champagne-Ardennes — Université Lyon 1 — Université Lyon 3 — Université Savoie Mont Blanc

Pages internes aux universités relatives à la cotutelle internationale (quelques exemples à l’étranger) :

Université de Genève (Suisse) — Université du Québec à Montréal (Canada) — Université Laval (Canada) — McGill University (Canada) — Université Humboldt de Berlin (Allemagne) — Université d’Hambourg (Allemagne) — Université de Heidelberg (Allemagne) — Université Sapienza de Rome (Italie) — Université de Bologne (Italie) — Université Charles de Prague (République Tchèque) — Université Autonome de Madrid (Espagne) — Université Libre de Bruxelles (Belgique) — Université du Luxembourg (Luxembourg) — Université de Vienne (Autriche) — Université de Lisbonne (Portugal) — Université de Melbourne (Australie) — RMIT (Australie) — Université d’Otago (Nouvelle-Zélande) — Victoria University of Wellington (Nouvelle-Zélande) — Université de Bristol (Royaume-Uni) — University of Cape Town (Afrique du Sud) — Université d’Oslo (Norvège)

Un exemple de règlement relatif à la cotutelle à l’étranger :

Victoria University of Wellington (Nouvelle-Zélande), “Guidelines on cotutelle degrees and other doctoral study overseas” [Document PDF]

Notes

1. “Doctorant – Cotutelle de thèse”, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne [En ligne] Consulté le 7 juillet 2024, https://recherche.pantheonsorbonne.fr/doctorat-hdr/doctorat/cotutelle-internationale-these. ↩︎

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